Jacques Brel 1929-1978 et Mayline





Jacques Brel 1929-1978 et Mayline


Le soir, quand il est là et les yeux ouverts, il regarde les informations. Je hais donc les informations.
Mais ce soir-là je ne traverse pas la pièce enfumée le plus rapidement possible, je reste dans le couloir, fixe l’écran : un homme sur une civière. Je retiens son nom : Jacques Brel. Quelques « images d’archives » suivent : Jacques Brel sur scène, chanteur. Sa voix me bouleverse (avec les mots d’aujourd’hui !)
Maintenant je sais : c’était son ultime retour à Orly.
Maintenant j’ai des mots pour expliquer le ressenti d’alors : c’est Lui, l’Homme le plus important de ma vie, mon vrai père, père dans le sens de celui qui apporte la Lumière. Naturellement, aucun de ses disques à la maison. Ma sœur est fan amoureuse de Michel Sardou. Elle achète des magazines et découpe sa photo. Elle a un tourne-disque. Moi je n’ai rien. Maintenant j’ai un nom : Jacques Brel.




J’observe le déchet assis derrière la table, son mégot au coin gauche de lèvres bleues, ses dents jaunes et c’est évident : il n’a vraiment rien à voir avec moi, je mérite un vrai père, lui, l’homme aux grands bras, aux grandes dents. J’attends Jacques Brel. Mais il ne réapparaît pas sur l’écran.
J’ai depuis écouté tout ce qu’il a chanté, décortiqué ses textes, bu ses interviews, dévoré ses biographies... Comme il était parfois... trop ! Trop, oui, l’Homme qui m’a transmis le courage de me surpasser pour m’extraire de la médiocrité à laquelle je semblais condamné. Alors parfois, moi aussi, j’en fais trop !
J’ai trop de sites sur internet, trop de chansons... sans prendre le temps de gérer vraiment ces sites, de chercher des interprètes pour les textes...
Elle m’a écrit « tu es trop »... après m’avoir mis en pause ; quand j’ai continué à lui donner de l’Amour, comme quand elle croyait au partage, à l’osmose intellectuelle et à la fusion physique.
Je lui ai envoyé une enveloppe vide où tout se situait dans le timbre : une vache s’exclamant « Ne meuuh quitte pas... » Aucun commentaire. Grand Jacques, tu l’as reconnu : je n’y comprends rien aux femmes. Vais-je le répéter ?






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